Avec Congé
de mariage, son seizième long métrage
depuis 2000, le réalisateur Boubakar Diallo poursuit résolument dans la veine
du cinéma populaire qui a fait son succès. Comme dans ses précédentes œuvres,
il use des mêmes ficelles pour produire un comique ancré dans la société
burkinabè mais également accessible aux cinéphiles du monde entier. Mais
peut-il se contenter de faire rire seulement ?
Congé de mariage est un vaudeville, histoire comique où trois personnages se tiennent dans un trio : l’épouse, le mari et l’amant. Le mari, c’est David (Saturnin Mila), un bourreau des cœurs qui plonge sa femme Claudia (Viviane Yanogo) dans le désespoir. Reléguée à des séances de complaintes avec deux copines qui, elles-mêmes, admettent plus ou moins les infidélités de leurs maris, Claudia finit par remettre le sien au pas en recourant à un expédient : un « congé de mariage » qu’elle donne à son couple. Boubakar Diallo tente ainsi d’introduire sa touche dans le trio vaudevillesque : débarrassé des pleurnicheries, bouderies et hauts cris qui font le charme des scènes de ménage, chaque conjoint devrait supporter, impassible, les coups de canif portés au contrat nuptial. Cela s’appelle ailleurs un couple libéré. Au Burkina ce peut être la traduction du message d’un célèbre pagne wax des années 90 : « Si tu sors, je sors ! »
De la
sorte, Claudia peut donc rentrer tard, découcher ou entreprendre de petits
voyages d’agrément sans avoir de comptes à rendre. Cette inversion des rôles
surprend David qui, meurtri, jette l’éponge dès les premiers rounds et revient
à une conduite plus rangée.
Ainsi présenté, il est clair que ce thème fera
pleurer dans les chaumières car la femme bafouée est vengée. Qui plus est, à
travers l’œuvre d’un homme : « Ya
boen la pagba rata ? »[1]
Si
certaines questions sont effleurées, c’est davantage pour camper le personnage
de David que pour poser des problèmes sociétaux : Alex, l’entrepreneur qui ne
paie pas ses employés, qui exerce un droit de cuissage sur ses secrétaires et
qui dépense sans compter pour le plaisir de ses jeunes maîtresses, n’a tout
simplement pas de consistance psychologique. C’est juste un poncif aisément
reconnaissable dans la galerie de « ceux qui ont réussi » au
Burkina Faso. D’ailleurs l’homme est le dindon de cette farce. Aucun
représentant du sexe fort n’en mène bien
large dans ce film : ni Alex qui parade aux bras de très jeunes filles par
la grâce de son argent, ni Pape Diop, le riche commerçant qui cherche à
acquérir une femme modèle aidé par un gigolo. Cette légèreté des
personnages masculins manifeste-elle la vision d’un
cinéaste qui se refuse à faire des vagues ? La longue liste de
« sponsors » officiels (ministères et institutions en tous genres)
qu’on retrouve dans le générique de fin a-t-elle joué un rôle dans ce choix ?
Cependant,
si la femme est en apparence mise au premier plan, le traitement qu’en fait Boubakar
Diallo relève davantage de la simple galanterie
que d’un élan féministe. En effet, dans Congé de mariage la femme n’assume jamais entièrement son rôle de
salope vengeresse. Au contraire, elles sont renforcées dans leur rôle
traditionnel d’épouse et de mère : « Sois belle et
tais-toi ! »
Et Madame
se tait d’autant que monsieur est cousu d’or, qu’il offre une vie luxueuse avec
duplex rempli de gadgets ultramodernes, voitures et voyages... Claudia et une
de ses copines mariée à un polygame ne semblent pas exercer une activité
professionnelle ; sa troisième copine est médecin, mais elle ne veut rien
savoir de ce que son mari fait avec sa bonne. Bref, elles retombent dans ce truisme réconfortant
de la pensée populaire burkinabè : l’homme est un prédateur mais il se
tient tranquille s’il est bien gavé ! Belle morale…
Le piège
des convenances et de la galanterie a
été de tout temps et dans toutes les sociétés un outil pour perpétuer la
domination du mâle –même si la bouffonnerie de celui-ci crée le rire. Le comique désacralise, c’est
bien connu.
Et Boubakar Diallo en use, avec une maîtrise de plus en plus en plus affirmée. Il utilise des
ficelles qui ont fait de lui le roi du
cinéma populaire burkinabè : reconduction des mêmes acteurs permettant une « fidélisation »du spectateur
d’un film à l’autre ; création de personnages typés comme celui du Sénégalais
immanquablement interprété par O’Gust Kutu ; répliques incisives et
volontiers grivoises rappelant l’esprit vif du créateur du satirique Journal du Jeudi ; quiproquos, situations
cocasses et deus ex machina. Voilà les éléments constitutifs d’un burlesque aisément reconnaissable, à
l’efficacité éprouvée.
Cependant,
si le succès commercial est au rendez-vous de la démarche cinématographique de
Boubakar Diallo, il n’empêche pas que soit questionnée son esthétique. Ainsi
l’arrimage aux plans fixes qui font du
champ une scène de théâtre semble indiquer un refus de prendre des risques, en
donnant plus d’épaisseur aux personnages par exemple. Ceux-ci sont d’ailleurs
construits autour de clichés comme ce fameux restaurateur sénégalais dont la
seule qualité humaine est son accent prononcé. Certaines plaisanteries ont des
accents racistes : « Les Chinois sont petits, nombreux et mangent
beaucoup ! ». Bref, le rire
est juste provoqué pour le rire. Et même le scénario, qui montre en parallèle
tout le long du film Alex et Pape, sans qu’un lien les relie, n’est pas sans
poser de question.
En
définitive, ce nouveau film de Boubakar Diallo est bien parti pour remporter
les suffrages des cinéphiles burkinabè et africains et c’est d’autant mieux
pour notre cinématographie et pour tous les acteurs et techniciens que ce
réalisateur fait travailler. C’est même en ce sens que sa responsabilité de
créateur est engagée car, plus qu’un simple défouloir, le comique ne devrait-il
pas également pousser à la réflexion ?
Et ce cinéma fait juste pour exister nous vaudra-t-il jamais le troisième Etalon que nous attendons depuis
presque deux décennies ?
Sid-Lamine
SALOUKA
Fiche
technique du film
Réalisateur :
Boubakar Diallo
Acteur/trice
AzaratouBancé
Mathias
Bayili
O'GustKutu
Sidlawendé
Saturnin Milla
Carole
Ouédraogo
Mariam
Ouédraogo
Jeanne
d'Arc Yaméogo
Viviane
Yanogo
Dieudonné
Yoda
Directeur
de la photo : MirsadHodzic
Ingénieur
du son : Issa TRAORÉ Senior
Monteur :
Bède Modeste Ganafé Mofédog-na
Production :
Films du Dromadaire (Les)
Distribution :
Films du Dromadaire (Les)
[1] « Que veulent
donc les femmes ? » Phrase récurrente et bonasse du chanteur
burkinabè Ahmed Smani.
Vraiment tres beau texte , tres bien construit. simle et precis, et ki permet a tout un chacun de sinterroger. moniseur helas, difficile de pousser le peuple, a evoluer, dans le sens, de la verite la sincerite dans els rapport shumains qui sont comme observer des aliens dans el ciel, alors en attendant que notre societe evolue, on a au moins un plateau qui nous offore lopportunite de mettre en lumiere notre societe et nous incite au changement je lespere. mais sachez que pour nous non natif du burkina quel delice de voir vos productions cinematographique merci a vous
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